Disparition d’Eva Sereny
Eva Sereny
19 mai 1935 – 25 mai 2021
Nous partageons la grande tristesse d’Iconic Images (partenaire de la Ferus Gallery) suite à leur annonce du décès d’Eva Sereny. La photographe derrière tant d’images emblématiques, y compris la photographie sur le plateau des « Aventuriers de l’Arche perdu », du « Dernier tango à Paris », de « la Mort à Venise » et du film « The Great Gatsby », est décédé subitement des complications d’un accident vasculaire cérébral. Elle avait 86 ans.
Née de parents hongrois et élevée en Angleterre, la jeunesse d’Eva l’a mena en Italie où est elle arriva à l’apogée de la « Dolce vita ». Là, elle se maria et commença une vie de une famille. Ce fut une tournure du destin totalement inattendue qui lança sa carrière de photographe. Le mari d’Eva ayant eu un accident de voiture et alors qu’elle était assise à ses côtés pendant sa convalescence, il lui vint à l’esprit à quel point il avait eu de la chance… mais cela la fit tout de même réfléchir. Comme elle allait le raconter dans une interview pour son livre, « Through Her Lens : The Stories Behind the Photography of Eva Sereny », publié en 2018 : « Je n’ai rien. J’avais besoin de faire quelque chose. Je savais que j’avais des penchants artistiques mais que je ne pouvais pas dessiner et cette pensée m’a amené à la photographie ».
Eva commença alors à se plonger dans des livres de photographie et construisit sa propre chambre noire dans son sous-sol. Après avoir travaillé avec le Rolleiflex de son mari, elle s’acheta un Nikon 35 mm et a commença à prendre des photos des enfants de ses amis. Un de ses amis était le président du Comité national olympique italien et lui suggéra à Eva de photographier les jeunes enfants participant à diverses disciplines sportives dans les centres sportifs italiens nouvellement développés. Ces photographies ont été pour Eva comme un acte de foi et elle s’envola aussitôt pour Londres où elle est entra dans les bureaux du Times. Là elle y rencontra l’éditeur du prestigieux titre, qui apprécia les photographies qu’Eva lui présenta. À tel point qu’elles furent publiées dans le Times peu de temps après.
Après que ses images aient été imprimées dans une publication aussi importante, Eva contacta un publiciste de cinéma à Rome pour savoir s’il était possible ou non de prendre des photos sur le plateau d’un film qu’elle savait être en train de tourner à proximité. Le publiciste l’avertit que cela pourrait être difficile, car le réalisateur était très exigeant vis à vis des photographes. Néanmoins, elle reçut un appel l’invitant à se rendre sur la Piazza Navona où elle passa quelques jours tranquillement à prendre des photos et à les développer chez elle la nuit. Le film était Catch-22 et quand Eva partagea ses photos avec le réalisateur Mike Nichols, on lui demanda de rester pendant les deux dernières semaines de tournage en tant que « photographe spécial » rémunéré.
La première rencontre d’Eva avec Hollywood l’a rapidement conduit à des opportunités ultérieures ce qui lui permit de commencer une carrière qui allait durer plusieurs décennies. Son rôle de « photographe spécial » la porta sur les plateaux de films réalisés par certains des noms les plus emblématiques d’Hollywood (de Luchino Visconti sur « Mort à Venise » à « La nuit américaine » de François Truffaut, « Casanova » de Federico Fellini et « Le dernier Tango à Paris » de Bernardo Bertolucci). Comme la carrière d’Eva était lancée et grâce à l’attention qui lui était portée dans les années 1970, elle déménagea et vécu entre les lieux de production cinématographiques américain et européen, réalisant par ailleurs les photographies de couvertures pour le Sunday Times Magazine et de nombreux autres magazines, y compris Elle, Paris Match, Marie Claire, Epoca, Vogue Hommes et Harper’s Bazaar.
Tout au long des années 1980, Eva continua à travailler sur un certain nombre de films majeurs, y compris les trois premiers films d’Indiana Jones : Raiders of the Lost Ark , Indiana Jones and the Temple of Doom et Indiana Jones and the Last Crusade. L’immense succès populaire de ces trois films fit que les images prises par Eva en Tunisie, au Sri Lanka et en Espagne sont devenues parmi les plus connues de sa carrière. Ses portraits d’Harrison Ford et de Sean Connery ont fait la couverture de plusieurs magazines de premier plan. Lorsqu’on lui demanda comment elle avait capturé ces images emblématiques des stars, elle déclara : « C’est la façon dont vous approchez les gens : toute la vie dépend de cela. »
Les archives d’Eva Sereny sont vastes, non seulement par le nombre de films, mais aussi par la qualité des acteurs et des réalisateurs; tantôt au travail, tantôt dans un moment de repos. Ses images alternent d’une séance de portrait époustouflante avec Romy Schneider en 1971 jusqu’à des choses comme travailler avec Jacqueline Bisset, Charlotte Rampling, Robert Redford, Jane Fonda, Harrison Ford, Al Pacino, Paul Newman, Mia Farrow, Elizabeth Taylor, Richard Burton, Meryl Streep, Marlon Brando, Sean Connery, Clint Eastwood, Luciano Pavarotti et des images des réalisateurs Visconti, Truffaut, Fellini, Bertolucci, Werner Herzog, Sydney Pollack, Fred Zinnemann, Peter Bogdanovich, Steven Spielberg et George Lucas. L’une de ses images les plus collectées est celle d’Anthony Quinn, en personnage lors du tournage de The Greek Tycoon. Notamment, Eva a également photographié Audrey Hepburn dans sa dernière performance à l’écran dans le film de Steven Spielberg, Always.
Eva parlait souvent d’apprendre son métier en étudiant les grands réalisateurs et les grands cinéastes avec lesquels elle travaillait. À tel point qu’elle a été inspirée pour réaliser elle-même son premier court-métrage, « The Dress », qui mettait en vedette Michael Palin et qui a été créé le dernier jour du Festival du film de Londres en 1984 en remportant le prix Eva le BAFTA du meilleur court-métrage. En plus de remporter la très convoitée Chicago Golden Plate la même année.
« Eva était unique en son genre », a déclaré Carrie Kania, directrice créative de Iconic Images. « Iconic Images a commencé à travailler avec Eva en 2018 et a aidé à publier son livre ainsi qu’à organiser une exposition rétrospective simultanée à Londres. Nous sommes fiers de dire que nous avons acquis les archives d’Eva auprès d’elle plus tôt cette année. Cette nouvelle de son décès soudain nous a laissé une grande tristesse. Kania ajoute également: « Le travail d’Eva a touché de nombreuses personnes et ses photographies ont été vues par un si grand nombre, dans le monde entier, dans les journaux et magazines pendant près de 50 ans. C’était une femme dans un métier dominé par les hommes et elle atteignit le sommet de son art. Elle était humble mais farouchement fière de son travail et ces dernières années, nous avons passé beaucoup de temps à publier ses négatifs. C’est un privilège pour nous de participer à son extraordinaire héritage ».
James Clarke, écrivain et historien du cinéma qui a contribué à une introduction à Through Her Lens, a déclaré: « En parlant avec elle, ce qui est devenu évident, c’est sa capacité à entretenir un rapport chaleureux et accueillant. Il est facile de voir comment cela lui a permis d’entretenir des relations particulières avec les acteurs et les réalisateurs. Elle appuya et captura, au risque de paraître un peu exagérée, comme un sentiment d’âme. Je suis tellement reconnaissante d’avoir eu l’occasion de rencontrer Eva au travers du travail que nous avons fait ensemble pour le livre de consacré à ses photographies. J’avais vu pour la première fois les photographies d’Eva dans des magazines de cinéma quand j’étais adolescente et donc avoir l’opportunité de travailler avec elle sur Through Her Lens était très spécial. La sensation de chaleur qui transparaît dans ses images faisait partie de son propre personnage. »
Lorsque son livre a été mis sous presse, Eva a été submergée par cette célébration faite à de son œuvre. Elle commenta cela à l’époque ainsi : « Je ne peux pas le croire en fait. » Puis, avec un sourire, « c’est comme un conte de fées, n’est-ce pas? »
Source : https://iconicimages.net/news/eva-sereny-1935-2021/